Son allure s’apparente davantage à un surfeur hawaïen qu’à un assistant-doctorant au laboratoire de topométrie à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). C’est à vélo qu’Emmanuel Clédat arrive au rendez-vous. Marcel violet mettant en valeur ses biceps, cheveux très long et relâché, regard bleu intense et pétillant. La première impression tient du soulagement : il a l’air abordable pour un spécialiste en photogrammétrie.
Le scientifique de 29 ans découvre un peu par hasard l’existence de la Jeune Académie Suisse. Passionné de vélo, il la voit d’emblée comme une source de financement pour un projet qui lui tient à cœur : cartographier le trafic urbain, quantifier les dangers réels auxquels les cyclistes sont exposés et en ressortir des statistiques rigoureuses afin d’améliorer les infrastructures routières, les campagnes de préventions ainsi que le comportement des cyclistes et des autres usagers de la route. C’est avec ce projet, qui a pour ambition de promouvoir le dialogue entre la science et la société, qu’il a été choisi par la Jeune Académie.
Fraîchement élu, il découvre avec surprise la diversité des membres. Il voit en ce réseau de compétences un avantage pour réaliser des projets multidisciplinaires. « La conclusion d’un expert issu d’un domaine est le point de départ pour un autre. Et j’espère que les recherches menées au sein de cette institution le seront avec une grande cohésion entre tous les maillons de la chaîne. » Il prend son projet en exemple : « Personnellement, travailler avec des sociologues - spécialistes en comportement - pourra m’aider à faire des liens que je n’aurais pas pensé à faire moi-même. »
« Personnellement, travailler avec des sociologues - spécialistes en comportement - pourra m’aider à faire des liens que je n’aurais pas pensé à faire moi-même. »
Il y a, chez cet expert de la mesure, le goût de rendre le monde meilleur. « Au sein de la Jeune Académie, j’espère que travailler entre jeunes pourra faire aborder les problématiques différemment : qu’on ira à l’encontre de la vision technocrate trop répandue dans le milieu scientifique. Par exemple, il ne faut pas inventer une publicité greenwashing pour vendre une technologie présentée comme pouvant sauver le monde. »
Emmanuel Clédat illustre son propos en citant un exemple qu’il qualifie de « caricatural », mais « tristement réaliste ». « Prenons une technologie à la mode : le drone. » Le sujet tombe à pic : le chercheur en connaît un rayon, il vient de terminer sa thèse consistant à améliorer la cartographie par drone. Dans le cadre de son programme doctoral en génie civil et environnement, il a en effet développé un logiciel capable de traiter précisément les données récoltées par différents capteurs embarqués sur un drone. Le Morgiens a même reçu le Prix du meilleur jeune auteur de la Société internationale de photogrammétrie et télédétection (ISPRS) 2020 pour une publication issue de sa thèse.
« Que peut-on faire de plus avec des drones ? » questionne-t-il. « Des voitures volantes par exemple. Une fois l’engin développé, il faut le commercialiser. Il serait parfaitement hypocrite de faire semblant de défendre la cause climatique dans des publicités pour une voiture volante puisque c’est un non-sens écologique. »
« La technologie, la sociologie, la philosophie et toute autre discipline doivent être au service du monde dans lequel on veut évoluer et non le contraire. »
Pour Emmanuel Clédat, la Jeune Académie devra se poser les bonnes questions : « Dans quel monde a-t-on envie de vivre ? Quel monde a-t-on envie de créer ? Si on prend le problème du réchauffement climatique, quel trajet a-t-on envie d’emprunter pour arriver en 2050 dans un monde viable ? La technologie, la sociologie, la philosophie et toute autre discipline doivent être au service du monde dans lequel on veut évoluer et non le contraire. »
Loin d’être naïf, il relativise : « Évidement, un beau discours n’aboutira pas à un monde magnifique en 2050. Ce n’est pas tout d’avoir des utopies. Il faut veiller à ce qu’elles ne tombent pas dans des dystopies. Comment ne pas oublier certaines utopies qui ont abouti à des dictatures ? »
Pour la suite de sa carrière, il confie avec certitude qu’il compte réaliser son projet vélo : « Mais cela ne m’empêchera pas de faire un deuxième projet avec un autre membre. »
Emmanuel Clédat, né le 4 mai 1991 à Tarbes (F), vit à Morges (VD).
2015
Diplômé à l’Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg (F) de la spécialité Topographie
2014-2015
Programme d’échange (type Erasmus), à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)
2015
Thèse de Master : « Conception d’une méthode de consolidation de grands réseaux lasergrammétriques », EDF, Clamart (F)
Dès 2016
Assistant-doctorant au laboratoire de topométrie, à l’EPFL. Programme doctoral en génie civil et environnement. Thèse : « On the adjustment, calibration and orientation of drone photogrammetry and laser-scanning ». Participation à l'enseignement pour le cours de compensation, de Géomonitoring et les enseignement transversaux section d’Architecture, de Génie-Civil et d’Environnement.
Dès 2017
Membre du conseil de l’Association française de topographie et du comité de sa revue XYZ
Dès 2018
Membre du groupe apicole de l’association UniPoly (sur le campus UNIL-EPFL)
Maison des Académies
Laupenstrasse 7
Case postale
3001 Berne