Réseautage dans le secteur scientifique.

La Jeune Académie Suisse met en réseau de jeunes chercheurs de différents disciplines scientifiques. Elle crée un environnement favorisant les échanges inter- et transdisciplinaires et stimule les idées innovatrices. Ses membres jouent un rôle d’ambassadeurs de la place scientifique suisse et sont considérés comme la jeune voix des Académies suisses.

Elle souhaite que la Jeune Académie crée un précédent 

De la Chine communiste à l’Amérique capitaliste : durant son enfance, BinBin Pearce a été confrontée à deux cultures complètement différentes. C’est peut-être cette expérience qui lui a ouvert la voie de la transdisciplinarité. Aujourd’hui, elle est spécialiste de l’environnement à l’EPFZ et membre du comité directeur de la Jeune Académie Suisse.
 
Portrait | Astrid Tomczak

Soudainement, au milieu de la conversation, BinBin Pearce ne semble plus aussi contenue que lors des minutes précédentes. Sa voix est un peu plus insistante, ses mains gesticulent davantage : elle parle de la manière dont la science communique avec la société. « Imaginez un groupe de personnes qui s’approche des autres et leur explique quoi faire ou comment changer de comportement », dit-elle. « Personne n’a envie de cela, et c’est un fait que beaucoup de scientifiques sous-estiment. » La jeune femme pose ensuite une question : « Dans quelle mesure sommes-nous sensibles aux personnes défavorisées ?»

 

« Dans quelle mesure sommes-nous sensibles aux personnes défavorisées ? »

 

C’est cette question qui a marqué le début de la carrière universitaire de BinBin Pearce. Elle voulait à l’origine devenir médecin comme sa mère, a suivi un cours préparatoire à Stanford et a fait un stage dans un hôpital pour enfants au Népal, où elle distribuait principalement des comprimés de réhydratation contre la diarrhée, « une activité médicale qui n’est pas particulièrement exigeante », comme l’indique la chercheuse avec une pointe d’ironie. « Je me suis rendu compte de la chose suivante : même si je continue à distribuer ces comprimés, cela ne résoudra pas le problème. Il s’agit en fait d’une question d’infrastructure. » Étant donné que l’étudiante voulait aller à la racine du problème, elle a décidé d’étudier l’ingénierie environnementale. Après avoir obtenu son diplôme à Stanford, elle a terminé son doctorat à Yale avec une thèse interdisciplinaire sur la conception d’un système de gestion durable des déchets organiques à Singapour. Elle travaille depuis 7 ans à l’EPFZ, où elle occupe actuellement le poste de Senior Scientist au sein du laboratoire de transdisciplinarité du département des sciences environnementales.

 

La concurrence laisse place à la collaboration

 

« Il ne me serait pas venu à l’esprit de poser ma candidature à la Jeune Académie de mon propre chef, c’est ma mentor qui m’a encouragée. Elle trouvait que l’orientation de la Jeune Académie me correspondait bien », dit-elle. « J’ai aussi aimé le nouvel aspect que prend la science au sein de cette organisation. Et j’étais en fait aussi très curieuse. »

 

« J’ai aussi aimé le nouvel aspect que prend la science au sein de cette organisation. Et j’étais en fait aussi très curieuse. »

 

En réalité, le type de leadership qu’elle a connu en tant que membre du comité exécutif était une expérience totalement nouvelle pour elle. « J’ai appris comment les institutions façonnent les normes », dit-elle, « et combien cela demande d’engagement. On ne peut pas suivre n’importe quelle directive. » Même si elle n’entre pas dans les détails, elle explique que la première année n’a pas été facile, et pas seulement à cause de la pandémie de coronavirus, qui a notamment entraîné des difficultés à créer des liens. La Jeune Académie poursuit une approche collaborative et se situe donc à l’opposé de l’environnement académique, qui se caractérise par la concurrence. Un exemple de ce recul derrière le collectif est le fait que personne ne voulait se mettre en avant et se présenter à la fonction de porte-parole ; la candidature a finalement été décidée par tirage au sort. C’est cet esprit qui devrait également animer la Jeune Académie à l’avenir. « Nous nous trouvons encore au cœur du processus visant à choisir une philosophie commune », explique BinBin Pearce. « Toutefois, je peux déjà dire que chaque membre doit réfléchir à la manière dont il peut contribuer à l’Académie en tant qu’individu, à ce qu’il apporte par son expertise et à la façon dont nous pouvons faire avancer la société. Ce faisant, nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons tirer parti de nos points de vue respectifs et éviter d’avoir des idées bornées. »

 

« L’enseignement est au cœur de la transmission des connaissances scientifiques. Il est important de le souligner. »

 

Pour sa deuxième année de mandat, elle a décidé de s’engager elle-même dans un projet commun. Il est également très important pour elle de faire en sorte que l’enseignement interdisciplinaire acquière une plus grande visibilité dans le monde universitaire, ainsi que dans l’enseignement en général. « L’enseignement est au cœur de la transmission des connaissances scientifiques. Il est important de le souligner », assure-t-elle. Elle espère également que le programme de mentorat de la Jeune Académie prendra réellement son essor dans les prochains mois et, dans le meilleur des cas, qu’il créera un précédent. « Ce serait formidable si, en tant que Jeune Académie, nous pouvions développer une sorte de mémento qui puisse être appliqué dans une grande variété d’institutions. »

 

Émerveillée par la Suisse 

 

Elle est reconnaissante d’avoir grandi dans deux cultures différentes et d’avoir été sensibilisée à des valeurs et des visions du monde très différentes dès son plus jeune âge. « Ma mère était médecin dans l’Armée rouge, c’est difficile à imaginer », dit-elle, « et puis nous nous sommes retrouvés dans les États-Unis des années 80, où l’individualité était reine. » Les parents de BinBin Pearce étaient à l’époque des étudiants pauvres qui souhaitaient rentrer dans leur pays. Puis a eu lieu le massacre de Tiananmen, et ils sont restés en Californie, où ils vivent encore aujourd’hui. « Ils ne comprennent pas pourquoi j’ai à nouveau émigré », nous confie en riant cette Lucernoise d’adoption. « Je n’avais jamais vraiment imaginé vivre en Suisse. Mais j’aime ce pays. » Aujourd’hui encore, elle se sent « très américaine » lorsqu’elle explore les villes et les paysages de Suisse, s’extasie devant les forêts de mélèzes et les gypaètes barbus du parc national, et se rappelle sa première impression de Berne : « Je me suis demandé si c’était vraiment une ville : on aurait dit un musée à ciel ouvert ». Elle s’émerveille toujours autant aujourd’hui.

 

« Je m’engage pour la science. »

 

Où s’imagine-t-elle dans 5 ans ? « Qui sait ? », répond-elle. Elle n’est sûre que d’une chose : « Je m’engage pour la science. » En tant que coordinatrice du projet Horizon 2020, un projet taillé sur mesure pour BinBin Pearce, elle respecte son engagement. Ce projet vise à faire progresser la transition énergétique en Europe par l’échange et la co-création de nouvelles connaissances et pratiques impliquant le plus grand nombre possible de citoyens·ennes de la société civile.

Biographie

BinBin Pearce est chercheur et enseignante au Transdisciplinarity Lab du département de la science des systèmes environnementaux de l'EPF Zurich. Elle a étudié l'ingénierie environnementale à l'université de Stanford et a obtenu son doctorat à l'Institut d'écologie industrielle de l'école de foresterie et d'études environnementales de Yale (FES). Elle est membre du comité directeur de la Jeune Académie Suisse depuis 2020.